Pour les personnes issues des autres régions du pays, «Khabbazate» est un nom indissociablement lié à celui de Kénitra. Selon un passionné de l'Histoire de la ville, la naissance de la place «Khabbazate» remonte à la Seconde Guerre mondiale. Elle a tiré son nom de ces vendeuses de galettes de pain rond, préparées dans des fours traditionnels et exposées dans des corbeilles. Avec l'effet conjugué de la pression exercée par les nouveaux commerces et l'apparition de boulangeries modernes, les vendeuses de pains et autres produits dérivés ont dû se plier à cette nouvelle réalité et ont quasiment disparu de la scène. La particularité de la place est qu'elle est entourée de boutiques qui ne sont pas regroupées en fonction des mêmes produits commercialisés, comme ça pourrait être le cas dans d'autres places du Maroc. À «Khabbazate», un vendeur d'épices côtoie un vendeur d'électroménagers et un commerce d'articles d'habillement peut se retrouver mitoyen de celui de produits d'artisanat ou encore d'une boucherie. Les couleurs et les odeurs s'entremêlent d'une manière contrastée et harmonieuse.Il n'y a pas si longtemps, la place était squattée par les marchands ambulants et autres vendeurs à la sauvette. Leur rassemblement gênait énormément la circulation et ternissait l'image du lieu. Actuellement, la place a retrouvé, grâce aux efforts déployés par les autorités locales, un certain calme. Elle est plus sécurisée que de par le passé et la visite des lieux est on ne peut plus agréable.

Lors des fêtes et des événements religieux plus particulièrement, la place Khabbazate connaît une activité intense et prend une allure festive. D'autres produits de circonstances s'ajoutent aux produits habituellement vendus. Un vendeur d'épices indique que son commerce connaît une nette amélioration lors des jours qui précèdent le Ramadan, l'Aïd Al-Adha ou l'Aïd Al-Maoulid, alors que durant les autres jours de l'année son activité est en dents de scie. Durant le mois du Ramadan, la place est investie par une foule immense. Certaines personnes viennent pour l'achat de produits dont ils ont besoin, alors que d'autres profitent de l'ambiance du lieu pour se balader avant de le quitter précipitamment quelques minutes avant l'appel du Muezzin et la rupture du jeûne.

La place «Khabbazate» n'est pas uniquement un lieu commercial, c'est l'un des grands repères de la ville. Elle fait partie du patrimoine immatériel de plusieurs générations et continuera d'imprégner les générations futures du sceau de son histoire. Lifting à la carteFace à une expansion urbanistique vertigineuse et devant ce phénomène de spéculation immobilière, des personnes attachées à l'identité culturelle de leur ville n'hésitent pas à clamer haut et fort que la place «Khabbazate» n'est pas uniquement un espace commercial banal, mais un patrimoine culturel d'une ville attachée à son histoire. Un appel apparemment entendu puisque la place «Khabbazate» est en train de subir une opération de lifting. Un projet de réaménagement du lieu a été lancé au mois d'avril dernier. Les travaux s'étaleront sur sept mois. «Khabazzate» ne sera plus accessible qu'aux piétons. Ces travaux d'embellissement concernent le pavage de la place, la mise en place de candélabres, de bancs et de poubelles. Il sera en outre procédé à une opération de plantation d'arbres d'embellissement. Les travaux de rénovation et de réaménagement des voiries ont été déjà entamés. La réhabilitation de la place aura inéluctablement des effets positifs sur ses activités commerciales et améliorera son image de marque. Elle deviendra plus attractive et le moral de la population s'en ressentira certainement. Rendez-vous est ainsi pris pour le mois de décembre prochain.

Driss Lyakoubi, Le Matin (http://www.lematin.ma/journal/2014/kenitra_-khabbazate--un-lieu--de-memoire-collective/205991.html)